Le Mont Blanc en mini-voile depuis Genève  ( 11 Septembre 2010)

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Depuis quelques années, une ancienne idée a ressurgi parmi un groupe d'amis : atteindre des sommets alpins par la seule force musculaire - pas de voiture, train, téléphérique ou autres moyens de locomotion. Les jouets que nous avons à disposition sont la marche à pied, le vélo de route et .. le parapente ( cf les athlète de la X-Alps).

lien 24 heures

 

L'idée est séduisante d'autant plus que nos aïeuls escaladaient les montagnes de cette façon, car ils n'avaient souvent pas d'autre choix. Les routes de vallées n'étaient pas encore construites ou les transports parfois trop coûteux. Le but de ce concept est d'être autonome sur tout le trajet; la première partie en plaine se fait généralement à vélo avec tout le matériel pour la suite. Une question évidente nous vient alors à l'esprit "pourrions-nous atteindre le plus haut sommet des alpes avec ce concept ?"

Quelques estimations permettent de penser que l'aller-retour en 24 heures devrait être possible au départ du célèbre Pont du Mont-Blanc de Genève, d’où nous pouvons admirer l’ultime but. Le rêve de voler sur la descente qui est longue, pénible et dangereuse, impose un moyen efficace et ludique .. Le Parapente…Oui mais voilà, qui a déjà pédalé avec un parapente sur le dos peut témoigner de la pénibilité de la tâche.

C’était sans compter l’apparition de ces mini-voiles, dont leur compacité, poids léger, facilité et performance en vols ne sont plus à prouver.

J’expose fin aout mon projet à Hans Bollinger qui, séduit par le concept, me met à disposition la voile idéale du moment. La plus légère des mini voiles , c'est-à-dire une Yak 18 m2 de chez Gin (poids 2.4 kg). Après quelques randonnées test où l’on peut se mettre à courir avec un parapente sur le dos, le projet devient possible. Il ne me reste plus qu’à prévoir du matériel allégé pour pouvoir résister au 160 kilomètres de vélo et au 3'500 m de dénivelé avec un parapente sur le dos. Des chaussures de trekking équipées de crampons aluminium léger, une paire de bâtons télescopique, une petite veste suffiront pour cette ascension voie normale du mont blanc. La Gin Yak 18 accompagné de son sac sellette pèse 4 kg. Le sac est suffisamment volumineux pour y caser tous le reste du matériel. A ceci s’ajoute 3.5 kg de matériel alpin ( plus les chaussures qu'il va falloir placer sur le vélo). Je m’oriente vers un chargement de 4.8 kg sur le vélo (parapente, chaussures et bâtons télescopiques) et 5.5 kg sur le dos (vêtement, crampons, habits et nourriture) .

 je prépare mon sac et mon vélo et guette le créneau favorable d’un décollage du mont blanc à partir de la fin d'interdiction estivale de vol ( 1er septembre).

Après 3 jours de doute où les modèles de météo Suisse et de météo Chamonix mettent du temps pour s’accorder sur la force du vent à 4'000 m, un créneau se met en place ce samedi 11 septembre après midi. J’estime mon plan de marche et règle mon départ à minuit au départ du pont du Mont Blanc à Genève.

L'ensemble du matériel nécessaire à l'ascension et à la descente en parapente

Départ à 00h15 du Pont du Mont Blanc (Genève). Le parapente, les chaussures de trek et les bâtons sur le vélo,
Le sac sellette contenant la nourriture, les crampons et les habits sur le dos,
 

 

 

Le voyage commence par la partie la plus dangereuse de l’itinéraire. La traversé de Genève de nuit en vélo de route. Le parcours jusqu’au village de Bionnassay (1'300 m) se déroule sans encombre en 4 heures avec des parties a pied en poussant le vélo sur les 3 derniers kilomètres a 20 %. C’est à 4h45 que je commence l’ascension à pied de nuit avec un sac de 7.5 kilos + 2 litres d'eau. Le dénivelé s’avale gentiment à la lumière de la frontale.. La végétation change au fur à mesure que l’altitude s’élève. Toujours magique de voir le jour se lever petit à petit en montagne. Je m’octroie une première pose après 7 heures d’effort. Pause de 6 minutes (de toute façon, quand on randonne seul, y'a rien à faire pendant une pause) où j’avale un sandwiche acheté la veille et envoie quelques SMS pour ceux qui suivent mon périple. Le sac de la Gin se fait à peine sentir. Je passe devant des chamois qui s’étonnent de voir un alpiniste aussi tôt (ou aussi tard sur cet itinéraire).

 

Début de l'ascension à Bionnassay

L'aiguille du Gouter surmonté du refuge du Gouter...

Première Pause au Nid d'Aigle après 1'000 m d'ascension à pied.

 
Le refuge de Tête Rousse 3'167 m et son chantier de purge de la poche d'eau à 8h45. Le début de la neige et de la glace. Le soleil pointe son nez sur les montagnes.

 

 

A 3'300 m, les choses sérieuse commencent. La température baisse et un bon vent du nord se fait sentir. Je place mes crampons au pied, enfile mon pantalon et attaque l’ascension du grand couloir. Je croise quelques alpiniste qui ont fait demi tour à 4'000 m . Ceux-ci me disent que le vent y était fort ce matin. Ces informations n’ont rien de rassurant mais je me concentre sur la partie technique de l’itinéraire. Quand je leur explique que je vient direct de Genève à vélo, je récolte régulièrement le commentaire "You lost your mind ! " . Mais bon, la perspective d'un vol du sommet du Mont Blanc nous rend toujours un peu fou.  La fin du grand couloir n’en finit pas et j’atteint le refuge du Gouter un peu entamé par la fatigue à 3'786 m vers 10h25 ..Il ne reste plus que 1'000 m mais je sais que les mètres au dessus de 4'000 compte triple. Je profite de la chaleur du refuge pendant 10 minutes et me met en marche vers le Dôme du Gouter. Je touche enfin la chaleur du soleil sur l’arrête neigeuse et croise de nombreux Summiter me confirmant qu’il y a du vent. ..Faut faire confiance au modèle météo…

 

Le début de l'ascension du grand couloir. Je croise les premiers Summiter. Le sac de la Gin permet d'y placer un parapente ainsi que tout le matériel d'ascension.

Vue du sommet du Dôme du Gouter sur le reste de l'itinéraire..il reste plus de 2h30

 

L’ascension du Dôme du Gouter devient longue et monotone…Trop Longue et trop monotone, je m’endort littéralement en marchant. L’accumulation des kilomètres vélo et du dénivelé me devient pénible à supporter. Je n’ais qu’une envie, me coucher dans  la neige et dormir. Je suis au dessus de 4'000 m et doit faire des pause où je m’endort dramatiquement sur mes bâtons par tranche de 30 secondes. Je ne sens plus mes jambes et j’ais l’impression qu’elle ne m’appartiennent plus. J’ais carrément l’impression de me voir marcher péniblement à coté de mon corps. L’ascension devient pénible et je commence à penser à renoncer au sommet. Il me faut trouver une surmotivaiton pour continuer. Le sommet du dôme du gouter 4'304 m arrive enfin vers 12h40. On y aperçoit la fin de l’itinéraire. Le vent y est fort mais volable..c’est déjà çà. Je sais que je peut mettre de suite fin à mes souffrances en décollant maintenant. Je lutte contre ces idées stupides. Je me motive pour atteindre le refuge Vallot 4'362 m .J’y ait décoller il ya quelques années. En arrivant vers 13h20, je discute avec quelques alpinistes qui renoncent au sommet ( ils ont de la chance de s’arrêter). Ils m’apprennent que juste devant moi, deux alpinistes portent chacun un parapente. Cette nouvelle de ne plus se trouver seul à voler me surmotive pour les deux heures qui reste. J’emboite leur pas et les rattrape. Mon envie de dormir a disparue, remplacé par le célèbre mal de crane de l’altitude. Au moment où je les rattrape, deux ailes décollent du sommet et se paye le luxe d’y faire un soaring. Cette vision surmotive tout le monde, les deux parapentistes accélèrent et je me fait distancé.

Deux parapentes décollent et se paye le luxe d'un soaring au sommet du Mont Blanc ... Cette vision nous fait accélérer sur l'arrête somnitale.

 

 

Les trois cent derniers mètres, l'arrête des Bosses au dessus de 4'500 m….

L'altitude se fait durement sentir…

 

Le bonheur de fouler le toit de l'Europe ... Je fait sensation en y sortant un parapente d'un aussi petit sac !

 

Je gravit les 400 derniers mètres en 1h45 et atteint le sommet du Mont Blanc à 15h16, heureux mais très fatigué. Je m’assoit dans la neige et prépare de suite mon sac. Je me souviens des paroles de mon moniteur de parapente ( Serge Thuaz) en 1987 : «  Au sommet du Mont Blanc, si les conditions sont bonnes..tu te pause pas de questions, tu décolles tout de suite car elles peuvent très vite changer ».

Je suis fatigué, il me reste peu de lucidité pour assurer un décollage en toute sécurité mais la facilité de décollage de ma Yak 18 me rassure pleinement. Les conditions de décollage sont idéales. Un décollage face voile , un contrôle et me voilà désormais en l’air. Je pousse un cri de joie car je sais d’ors et déjà que mon pari sera réussit. Toujours aussi magique de déballer un chiffon au sommet d’une montagne et de redescendre en volant.

Durant ces 15 minutes de Glide, j’admire tout ce chemin parcouru durant ces 11 heures d’ascension. La finesse de la voile me permet de passer au dessus du Dôme du Gouter et du refuge du Gouter. Je lève les bras, détrime la voile et plonge dans le vide du grand couloir en 360. J’ais une pensé émue pout tous ces alpinistes que je survole et qui descendent à pied. Les crevasses et glacier défilent sous mes pieds, laissant place aux à pic, pierriers , prairies et forêts. Je me pose vent de cul (difficile de déterminer le sens du vent dans ces petites vallées surmonter d'un glacier), un peu fort, mais sans encombre en crampons dans un champs repéré à la montée. Je plie cette voile dans son petit sac et rejoint mon vélo en courant tout en téléphonant à Pierre qui m'avait donné les derniers conseils pour cette aventure. Le retour en vélo sera écourté d’une heure car ca "descend » jusqu’à Genève. Je m'offre un big Mac au Mc Drive ( en vélo) à Sallanches. Les 20 derniers kilomètres sont toutefois pénible mais je sais que j’arriverai au pont du mont blanc avant la tombée de la nuit et c’est 19h45 plus tard que je peut retraverser le Rhône.

Je viens de vivre une aventure fabuleuse que seul le parapente peut offrir … voler du plus haut sommet des Alpes restera toujours aussi magique.

 

 

 

 

 

 

Accroché au Chiffon, je descend en 15 minutes de Pure Glide

 

Survol de l'itinéraire de montée

Atterrissage au Chaud dans l'herbe quelques instants après avoir foulé le sommet...Magique !

 

 

 

 

Le paquetage est remis sur le vélo..et c'est repartie pour trois heures de pédalage

 

 

Retour devant le jet d'eau sur le pont du Mont Blanc a 20h05

 

 

 

Liste du matos

Intégrale des photos

 

 

 

The Mont Blanc in (mini voile) from Geneva.  (September 11 2010)

Some years ago, an ancient idea resurfaced among friends of mine: why not reach some alpine summits by sole human strength – no cars, no trains, no cableways nor other means of transport involved. At our disposal, we would only have: walking shoes, city bikes and paraglides (cf athlètes de la X-Alps).

The project seemed truly appealing to us since it was our own ancestors’ way of climbing mountains. In the past, roads in the valley were not built  and  public transport was often too expensive to be considered.

The concept was the following:  to be autonomous along the whole  distance.

The first part, in the valley, would be covered by bike, carrying all the essentials. Considering everything we needed, a doubt already arose: “would it be possible to reach the Alpines highest peak ?”

A 24 hours round-trip seemed  conceivable with a departure by bike from the famous « Mont-Blanc » bridge of Geneva where we could  admire our  finale destination.

To realize the dream of flying  above the long, dangerous and  tiresome descent on the way back, only one mean could be considered: a paraglide... But, if one of you has ever tried to cycle with a paraglide on his shoulders, you can imagine why we had some hesitations... it’s a real hard work! Fortunately, a new material was released: a light weight, compact, high-performance in flight, easy to manoeuvre  “mini-sail” (mini-voile). What a relief for the bike ride!

At the end of August, I managed  to captivate Hans Bollinger with my project and he put at my disposal the best “mini-sail “ of the moment: a  Yak 18 m2  made by  Gin (weight: 2.4 kg). After few expedition tests in which I ran carrying the paraglide on my shoulders, I felt ready to give it a try. However, I still needed to find the lightest material to bear the 160 km bike ride and the 3500 m difference in height climb, carrying the paraglide. Trekking shoes fit out with light aluminium crampons, telescopic sticks, a tiny jacket will do for the ascent (the normal way) of the Mont Blanc.

The Gin Yak 18 sail added to its « saddle bag » (« sac sellette » in French) weighs 4 kg. The bag is big enough to contain all the remaining material consisting in 3.5 kg of  alpine stuff.  Let’s not forget the trekking shoes that I will have to carry on the bike !  Finally, I was counting on a loading of 4.8 kg on the bike (paraglide, trekking shoes and telescopic sticks) and 5.5 kg on my shoulders (clothes, crampons, food). My bike and bag ready, I waited for a favorable time-slot for a take off on the Mont Blanc  from September 1 (end of the summer flight restriction).

After three days of hesitations because the Swiss and the Chamonix weather channels took a long time to  agree on  the wind strength at 4000 m, a time-slot took finally shape on the afternoon of  Saturday 11 September. I reappraised my plan of action and I foresaw my departure at midnight from the “Mont Blanc” bridge in Geneva.

The journey began with the most dangerous part of the itinerary: to cross Geneva by night on a  racing cycle!  The course up to the village of Bionnassay (1’300 m) went on without any trouble. It took 4 hours and I had to  push  my bike on the last three kilometers with a 20% slope,.

At 4h45 a.m, in the dark, dark night, I started the ascent  by foot with my 7.5 kg bag  and  2 liters of water. As I advanced on my climb, the vegetation changed. As usual, the sunrise was magical. After 7 hours of effort, I treated myself with 6 minutes break in which  I swallowed a sandwich and I sent some SMS to the ones following my trip. I hardly felt the weight of my bag as I passed some chamois astonished to see such an early bird alpinist.

At 3300 m, it started to become tougher. The temperature went down and a nice north wind   was blowing. I placed my crampons on my  shoes, put on  a trouser and started to climb the great gully. I met some alpinists on their way back. They gave up at 4000 m because the wind was too strong. A bit worried by this information, I decided to concentrate  on the technical part of the ascent. As I told them  that I came by bike from Geneva, they exclaimed: “You lost your mind!” But, what wouldn’t you do to fly from the top of the Mont Blanc?!

The gully seemed never ending and when I finally arrived to the « refuge du Gouter » at 3786 m, it was 10h25 and I started to feel some tiredness....

Only 1000 m left, but I knew they were the hardest (above 4000 m, every meter counts triple). I took advantage of the heat in the refuge for 10 minutes and then I started going again to the “Dôme du Gouter”. On the way up, I met some “summiters” who told me about the good wind conditions....

The ascent of the  “Dôme du Gouter” became long and fastidious... Too long and too fastidious! I litterally fell asleep while walking! I could feel the effect of the accumulation of kilometers. My only desire was to lay down in the snow and fall asleep...

I was now over 4000 m  and I had to do several breaks in which I  pathetically fell asleep on my sticks for 30 seconds. I couldn’t feel my legs anymore. It was as if they were not mine. I started to have the weirdest sensation to be walking painfully beside my own body. The climb was getting harder and harder and thoughts of renouncement  began to haunt me. I had to find something to keep on going... I eventually reached the summit of the “Dôme du Gouter” (4304 m) at 12h40.  From  there I could see my final destination. The wind was strong but okay for flying. It was very tempting at that point to give up the ascent and the pain. Why not take off right now and fly down? Fortunately, I didn’t pay much attention to this stupid idea and I found enough motivation to go to the Vallot refuge (4362 m), a place I already knew: I took off there  with a paraglide some years ago. At  1h20 p.m. I arrived at the refuge and I talked with some alpinists who gave up (aren’t they lucky to stop?!).  They informed me that two alpinists were climbing right ahead of me, each one with a paraglide. I was so happy not to be alone  to fly that it gave me strentgh for the two last hours of climbing. I closed on their heels and caught up with them. My desire to sleep was completely gone, replaced somehow by a terrible headache due to altitude.  At the moment I reached my predecessors, two other sails took off from the top of the mountain and made a “soaring”. That sight motivated everyone: the two paragliders accelerated and I was left behind!

 

I struggled up the last 400 m of the slope at 1h45 p.m and attained  the Mont Blanc summit at 3h16, happy but exhausted. I sat down in the snow and prepared immediately my bag. I remembered my paragliding instructor’s words (Serge Thuaz) in 1987 : « At the top of the Mont Blanc, if the conditions are good...you don’t ask yourself any questions, you take off as soon as possible, because they can change quickly. »

 

I was really tired but, I had enough lucidity to make a safe take off and the conditions were ideal. A take off facing the sail, a control and here I was in the sky. I shouted out of happiness ! I knew now that I had won my bet. Wasn’t it magical to unfold a rag at the top of a mountain and treat yourself with a beautiful 15 minutes glide ?

I could admire all the way up I had made during 11 hours ! The sharpness of the sail alowed me to glide over the  « Dôme du Gouter » and its refuge. I lift up my arms, « détrime » (translation unknown) the sail and dived in the great gully in 360. I had a tender thought for all these alpinists I could see climbing down by foot. I watched the crevasses and the glaciers pass by under my feet and then the « à pic », « pierriers », meadows, grasslands, forests.

I landed « vent de cul » a little strong but without any harm  with my crampons in a field I had located on my way up. I folded my sail in its bag and ran to my bike  as I was phoning to Pierre who had given me the last advices fo my adventure. The way back by bike was one hour shorter than calculated because it goes down to Geneva. I treated myself with a big Mac at the Mc Drive (by bike) of Sallanches. However, the last 20 kilometers were heavy going... At least , I knew I would arrive to the « Mont Blanc » bridge before sunset. At 7 h 45 p.m (after 19 hours and 45 minutes of physical endurance) I crossed the Rhône river again.

I have just lived a fabulous journey that only paraglide can offer...to fly from the higest peak of the Alps will always remain a wonder !

 

 

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Septembre 2010